L’Afrique en mouvement #MuseumWeek #sportsMW


Ma première visite au Bénin date de juillet 2006. Ce voyage faisait partie d’une mission qui m’avait conduit au Sénégal, en Afrique du Sud, au Togo et au Bénin. Aller au Bénin était très important car, étant Antillais, je sais que beaucoup de femmes, d’hommes et d’enfants ont été déportés à partir de là pour être mis en esclavage aux Antilles. Mes ancêtres viennent probablement du Bénin. Ceux de Toussaint-Louverture, l’une de mes "étoiles", étaient aussi originaires du Bénin, lui qui a dit : "En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté des Noirs ; il repoussera par les racines parce qu’elles sont profondes et nombreuses. »

J’avais rencontré à Paris Monsieur Émile Derlin Zinsou afin de préparer ce voyage, et sa personnalité m’avait beaucoup touché. Nous avons visité ensemble Cotonou et ses musées et j’ai pu assister à un conseil des ministres et rencontrer un médecin traditionnel. Nous avons ensuite pris la route de Ouidah. Tout au long du trajet j’appris de nombreuses choses précieuses. Nous sommes arrivés près de la place où les navires négriers jetaient l’ancre autrefois. Je fus extrêmement ému. Je me suis recueilli. A un moment j’étais très pris par l’émotion et je sentais les larmes m’envahir. Pour tenter de m’apaiser, je me suis rapproché d’un petit garçon sur la plage, il avait de la difficulté à faire passer son fil de pêche dans l’hameçon. Je lui propose mon aide et je vois qu’il ne me comprend pas. Je me rends compte à cet instant que cet enfant ne comprenait pas le français. La langue nationale est le français et pourtant il y a des enfants qui ne comprennent pas et ne parlent pas le français ?


Après avoir vu cet enfant, je continue à marcher sur la plage et là je découvre la Porte du Retour. Celles et ceux qui ont imaginé et créé cette porte ne se doutent peut-être même pas de la force symbolique qu’elle revêt pour un jeune antillais comme moi. Je ressens fortement qu’à travers moi, tous ceux qui, dans ma lignée familiale, sont partis forcés reviennent là avec moi. Ils ont nourri ce rêve d’un retour et j’ai l’impression, qu’à travers moi, lorsque je traverse la Porte du Retour, c’est ce qui se passe. Je les entends me dire : "Nous t’attendions depuis longtemps…"

Quelques années plus tard, en 2014, de retour au Bénin pour accompagner la sortie du livre Mes étoiles noires, j’ai visité pour la première fois la Fondation Zinsou à Cotonou et le Musée de Ouidah. J’ai trouvé ces lieux très apaisants, ce qui contraste fortement avec mon expérience de 2006. On se trouve là dans des lieux non de souffrance mais de culture et de connaissance, des lieux de valorisation de la culture africaine. Car dans ces musées les artistes de toute l’Afrique ont leur place. Ce ne sont pas des lieux de lamentation mais on y invite les femmes et les hommes à se redresser, à être fiers de leur histoire et de leur culture. Ce Musée d’art est un espace merveilleux qui assurément aidera Ouidah à se développer.


La Fondation, présidée par Marie-Cécile Zinsou, est d’une très grande importance pour le Bénin et pour le continent Africain tout entier. Après la visite du Musée de Ouidah et de la Fondation Zinsou il est impossible d’avoir un regard négatif sur l’Afrique. Cela représente l’Afrique en mouvement vers l’excellence. Il m’a été difficile de quitter ces lieux.

Lilian Thuram
Président de la Fondation Education contre le racisme


Extrait du Livre des 10 ans de la Fondation Zinsou









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